Napoléon Ier : la propagande par les Arts
- HistoriaMag
- 13 févr. 2019
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Dernière mise à jour : 14 févr. 2019
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Napoléon Bonaparte a, au cours de son règne, mené une politique très active dans le domaine des arts. L’Empereur avait une idée très précise de ce qu’il attendait des artistes, en particulier pour sa glorification, sa légitimation et la mise en oeuvre d’une propagande déjà très moderne, puisant dans l’héritage du passé et y apportant renouveau et innovation.

Dans l’architecture, Napoléon voulut laisser sa marque sur le paysage urbain, et élabora de grands projets d’urbanismes, dont certains n’auront pas le temps de voir le jour (citons à titre d’exemple un projet de réunion des palais du Louvre et des Tuileries).
Il commanda des monuments à la gloire de ses victoires militaires, comme la colonne de la Grande Armée (voir ci-contre), l’Arc de Triomphe ou encore l’actuelle église de la Madeleine, qui devait être, lorsque Napoléon ordonna sa construction, un temple à la gloire de la Grande Armée. Il confia également en 1807 la construction de la Bourse de Paris à Brongniart, afin d’ériger un emblème de la puissance et de l’accomplissement auxquels la France était parvenue. Ce qui émerge de tous ces monuments est un style inspiré de la Rome impériale par le gigantisme des proportions (Napoléon disait lui-même “Ce que je cherche avant tout, c’est la grandeur : ce qui est grand est toujours beau”) et la pureté des lignes.
Mais au delà de ces constructions grandioses, il encouragea le développement d’une architecture utilitaire et de nouvelles techniques de construction, notamment l’utilisation du fer. Il ordonna la construction de la passerelle des Arts (actuel pont des Arts), premier pont métallique de Paris, qu’il voulut comme un jardin suspendu, couvert de fleurs et d’arbustes.

En peinture, il est reproché à l’Empire l’utilisation de la peinture officielle, qui bridait la créativité des artistes. En effet, la peinture napoléonienne répondait essentiellement aux commandes officielles, qui mettent en scène le faste de l’empire (Le sacre de Napoléon, par David, Napoléon Ier sur le trône impérial, d’Ingres) ou la personne de l’empereur (Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, par David, ou Bonaparte au pont d'Arcole, par Gros, qui magnifient et idéalisent la figure de Napoléon). Tous ces tableaux créent une sorte de légende autour de la personne de l’empereur, à la fois conquérant héroïque et souverain divinisé, et sont largement diffusés, créant une sorte de propagande visant à légitimer l’homme au pouvoir, en rappelant ses exploits militaires et en magnifiant son charisme impérial. Il est le premier à répandre aussi largement son image, et à instaurer ce quasi culte de la personnalité.

La sculpture, quasiment disparue sous la Révolution, renaît avec l’arrivée de Bonaparte au pouvoir. De très nombreuses commandes affluent, et les ateliers retrouvent une activité proche de l’effervescence. Bustes, statues en pied et bas reliefs sont commandés pour décorer palais, musées et monuments publics. Encore une fois, on accuse la sculpture d’être à la solde du régime : la Colonne de la Grande Armée, place Vendôme, glorifie autant les armées victorieuses que l’Empereur lui-même, et la plupart des statues commandées ont pour modèle Napoléon ou les membres de sa famille. Là encore, le retour à l’antique domine, même si l’empereur n’apprécie pas la nudité héroïque (qu’il arbore pourtant sur la statue de Canova Napoléon en Mars pacificateur). Ces représentations servent souvent à donner une image particulière de l’empereur : Napoléon en triomphateur de François Frédéric Lemot, Napoléon Législateur, de Chaudet, Napoléon Ier, protecteur de l'agriculture et de l'industrie, de Lemaire… Ce renouveau dans la sculpture, par la statuaire publiques et de très nombreuses statuettes et médailles, sert une diffusion de l’effigie napoléonienne d’une ampleur absolument sans précédent.
Napoléon favorise également, et de manière non moins importante, les arts décoratifs. L’impératrice Joséphine joue un rôle important dans ce domaine, et fait appel à Percier et à Fontaine pour réaménager le château de Malmaison. Ces deux architectes commandent au choix des formes, des matériaux et des décors. L’acajou domine, et le mobilier Empire puise largement son inspiration dans les héritages égyptiens, grecs, romains et étrusques. Ce renouveau de l’art du mobilier relance les manufactures, préservant le savoir-faire des artisans français et donnant un nouveau souffle à ce domaine économique. En effet, sur le modèle de la demeure impériale, la haute-société française remeuble son habitat et adopte ce style bien reconnaissable, le "style Empire”. Napoléon Bonaparte fut le premier à mêler art et industries pour créer un marché de large ampleur centré sur le mobilier, dans un style tout à fait unique bien qu’inspiré de l’antiquité.
Ainsi, dans tous les domaines artistiques, le premier Empereur des Français a favorisé le développement d’un style largement inspiré du passé, notamment antique, ce qui donne de l'authenticité à son règne, mais l’a renouvelé, enrichi de techniques modernes, de son goût personnel, pour laisser une trace grandiose dans l’Histoire des Arts, comme il l’a fait dans l’Histoire. Il s’est servi de cela pour glorifier son règne, magnifier sa personne, et répandre son image idéalisée, instaurant une impressionnante propagande par les arts, un presque culte de la personnalité de l’homme providentiel, chose qu’il est le premier à avoir jamais fait dans l’Histoire.
Par Marie Bordas
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